mercredi 11 avril 2007

Une vieille chaise

Lors de déménagement, il n’est pas rare de devoir se séparer d’objets devenus inutiles par le temps. Ainsi, lors de mon premier déménagement, en 2002, alors que nous allions habiter dans une nouvelle maison à Terrebonne, nous avons dû nous séparer de quantité d’objet. Meubles, vieux vêtements, poupées, jouets, etc. Un déménagement est toujours l’occasion de repartir en neuf, l’esprit aventureux, de même que nos possessions allégés. Lors du paquetage, donc, nous avons à partager voire à prendre de douloureuses décisions entre ce que nous gardons et ce que nous jetons.

Ce fut le cas d’une de nos vieilles chaises. C’était une chaise en bois foncé, de fabrication ancienne et dont le siège avait piètre allure. Cette chaise avait les pattes marqués par les années. De plus, elles avaient été vandalisées par trois petits monstres (ma sœur, mon frère et moi). Il y avait, gravé gauchement au couteau à pain sur le dossier, un véro, rox et francis. Si jeunes et déjà, nous aspirions à l’éternité par le biais de marque laissée là où il n’aurait peut-être pas fallut. Ainsi stigmatisée par la volonté jadis délinquante de trois vieux enfants, mes parents considérèrent alors que la chaise n’aurait pas de place dans notre nouvelle maison un peu plus petite.

Par souci de récupération, nous plaçâmes la chaise sur le bord de la rue, afin qu’une quelconque personne puisse l’emmener vers une vie, non pas nécessairement meilleure, mais au moins nouvelle. Comme de fait, le lendemain matin, la chaise avait disparut.

Depuis ce fameux déménagement, le temps passa. De Laval, j’étais allé à Terrebonne. Au bout de deux ans, nous filâmes dans l’Est du Québec, en plein cœur de Charlevoix, le temps du "grossesse", soit neuf mois. Puis, nous revînmes aux sources, soit à Laval, dans le même quartier, quelques rues plus loin.

Ma sœur, alliant l’âme d’une artiste et celle d’une écologique, récupère souvent de vieux trucs qu’elle aperçoit dans la rue, afin de leur donner une nouvelle vocation. Ainsi, j’eu le plaisir de voir, entre autre, un vieux piano désaccordé et à moitié moisi, trouvé sur le trottoir. Par contre, un jour d’été 2006, quelques mois après notre retour, et suivant sa manie de tout ramasser, ma sœur ramena une vieille chaise cabossée par sa vie antérieur. Elle était en bois foncé, de facture vieillotte. Un motif fleurie, gravé sur le dossier, comme on en voit sur les meubles des années vingt. Le siège avait disparut, mais bon, ce n’est pas un problème majeur.

Le soir même, ma sœur entreprit de la nettoyer de toute sa crasse. Armée d’un chiffon doux, elle enleva la boue sur ses pattes. Quel ne fut pas sa surprise lorsqu’elle aperçut, gravés dans le bois, nos trois prénoms! Cinq ans après notre déménagement, un vestige de notre passé refaisait surface de manière pour le moins exceptionnel. Laissé par notre famille sur le bord de la rue, la même famille la retrouvait de la même façon, laissée aussi sur le trottoir par ses anciens propriétaires.

La chaise, remit à neuf et dotée d’un nouveau siège, trône maintenant dans notre salon, bien en vue. Elle nous rappelle de manière singulière que peu importe les déplacements que l’on fait, nos actions ou notre vie, le passé finit toujours tôt ou tard par nous rattraper.

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